Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.

frère l’illustre poëte préféra toujours, quoiqu’il fût joueur, et que sa femme fût ridicule et impertinente.

La jeunesse de Boileau fut très-malheureuse. Il était sacrifié à ses aînés, et ne passait d’ailleurs que pour un petit génie. « Ce sera un bon enfant, disait le père, qui n’avait d’orgueil que pour Gilles ; il ne dira jamais de mal de personne. » On le reléguait dans une espèce de poivrière placée au-dessus des toits, froide en hiver, chaude en été, d’où il ne voyait que les toits du palais de justice, et qu’il quitta avec bonheur, pour descendre… au grenier, où on eut enfin la charité de l’installer. Il avait été taillé de la pierre à l’âge de quatre ans, et fort mal taillé. Il en souffrit toute sa vie. Les biographes ont tiré mille contes de son infirmité, et y ont joint pour surcroît la ridicule histoire d’un duel avec un dindon, qui guérit Boileau pour le reste de ses jours de tout penchant et de tout besoin amoureux. Quand il quitta les jésuites, chez lesquels on le fit étudier au collège d’Harcourt, on voulut le mettre dans la chicane. Il eut un pupitre chez M. Dongois, son beau-frère, greffier au Parlement, l’illustre M. Dongois, comme il l’appelle ; mais il fut honteusement chassé pour le crime de s’être endormi en écrivant sous la dictée de son parent. Reçu avocat, il fit ses débuts au Parlement avec un tel succès qu’il fallut dès ce premier jour renoncer à l’espoir d’attendrir les procureurs, et d’obtenir de leur grâce le moindre sac de procès. Rebuté de ce côté, Despréaux se fit d’église.