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Des jours les plus sereins fait goûter la douceur.

Si richesse et vertu contentent tout le monde, [625]

De ces dons précieux que l'univers abonde ;

Un Dieu n'a qu'à parler, il fait tout, il peut tout,

Et l'on est ici bas suivant qu'il le résout :

Il dispense à son gré le vrai bonheur des hommes,

En partage à son choix les différentes sommes. [630]

Quant à notre existence, est-elle ce bonheur ?

Et la mort même, enfin, est-elle un vrai malheur ?

De notre individu la fin toujours hideuse,

De ce corps corrompu, la perspective affreuse...

Mais avant d'exister, quand on est au néant, [635]

Que pour le bien, le mal, on n'a point de penchant,

Que me ferait alors de venir sur la terre,

Pour supporter des maux la cruelle misère ?

A-t-on quelque plaisir ? On a mille embarras ;

Car pour de vrai bonheur, non, non, il n'en est pas. [640]

Or, respirer ici pour être dans la peine,

Être toujours en transe, et toujours dans la gêne :

Au moins, dans le néant, si vous n'avez du bien ,

Les maux qu'on souffre au jour vous ne sentez en rien.

C'est pourquoi je calcule, et, dans cette aventure, [645]

Réfléchissant au bien, pour le mal que j'endure,

Si l'essence est trop forte en ce mauvais côté,

J'entends préférer l'autre avec grande équité.

Au néant, au sommeil, on est comme insensible ;

Quel bonheur de sentir ce qui nous est nuisible ! [650]

Il vaut mieux n'être pas, qu'être dans le malheur ;

Si je n'ai du plaisir, je n'ai point de douleur.

Peignons-nous le tableau des revers détestables,

De nos gémissements, sources intarissables