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LA CONSOLATION PHILOSOPHIQUE, LIV. I.


Bienvenue est la Mort quand, sans presser le pas,
Elle nous délivre à notre heure ;
Hélas ! elle est aveugle, et ne s’informe pas
Si sa victime rit ou pleure.

Au temps où tous mes vœux étaient comblés, la Mort
Effleura mon front sans scrupule ;
Trahi par la Fortune, accablé par le Sort,
Quand je l’implore, elle recule.

Vous vantiez mon bonheur : vous savez à présent,
Mes amis, s’il était fragile !
Un coup de foudre éclate, et le voilà gisant
Ce fier colosse aux pieds d’argile.

II

Tandis que je roulais silencieusement ces pensées en moi-même, et que je consignais sur mes tablettes cette plainte douloureuse, j’aperçus planant au-dessus de ma tête une femme d’un aspect singulièrement vénérable. Ses yeux brillaient d’un éclat surhumain, et les vives couleurs qui animaient ses joues annonçaient une vigueur respectée par le temps ; et cependant elle était si pleine d’années qu’il était impossible de la croire contemporaine de notre âge. Sa stature était un problème. Tantôt elle se rapetissait à la taille moyenne de l’homme ; tantôt elle paraissait toucher le ciel du front, et quand elle levait la tête plus haut encore, elle l’enfonçait dans le ciel même et se dérobait aux regards de ceux qui la contemplaient d’en bas.