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INTRODUCTION.

que chacun de ces livres contenait une doctrine diamétralement opposée à celle de l’autre. Hâtons-nous de dire toutefois qu’il n’avait jamais eu la puérile fantaisie de jouer avec son esprit. À l’occasion d’une proposition assez obscure sur la nature des idées générales, des universaux, comme on les nomma plus tard[1], il s’était borné à exposer le pour et le contre, sans conclure, sans prévoir surtout que sa neutralité, son indifférence peut-être, serait prise un jour pour une double adhésion.

La métaphysique de Boèce est si bien oubliée aujourd’hui qu’on a peine à s’expliquer l’incroyable quantité de gloses, de dissertations et de commentaires qu’elle a fait éclore au sein de la philosophie scolastique ; on cessera de s’étonner pourtant si l’on remarque avec M. V. Cousin : « que Boèce restait seul debout sur les ruines de l’antiquité, et que dans la nuit profonde ou dormait alors l’esprit humain, son opinion, quelle qu’elle fût, devait être la lumière du temps et l’autorité souveraine en matière de philosophie[2]. »

Mais à cette époque, si l’on1 connaissait à fond l’écrivain, on savait peu de chose de l’homme. Quel-

  1. Les Francs, les Irlandais, les Anglo-Saxons, les fils des pirates et des brûleurs de villes pâlirent sur cette question : « Si les genres et les espèces existent par eux-mêmes ou seulement dans l’intelligence ? » Cette question portait comme en germe toute la querelle des Eéalistes et des Nominaux, toute la scolastique du moyen âge, et, pour mieux dire, la philosophie de tous les temps. » (Ozanam, la Civilisation au cinquième siècle.)
  2. Introduction au Sic et Non d’Abélard.