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’ LA CONSOLATION PHILOSOPHIQUE, LIV. IV. 235 — Si donc l’on mêle quelque bien à l’infortune d’un misérable, ne sera-t-il pas plus heureux que celui dont la misère est absolue, abandonnée à elle-même, et sans mélange d’aucun bien ? — C’est mon avis, dis-je. — Et ce même misérable, privé de tous les biens, si l’on ajoute un mal de plus aux maux qui causent son infortune, ne sera—~t-il pas beaucoup plus malheureux que celui dont la misère est soulagée par quelque bien qu’il reçoit en partage ? — Pourquoi non ? dis-je. — Or, les méchants, lorsqu’ils sont punis, acquièrent un bien d’une certaine espèce, je veux dire le châtiment même, qui, au point de vue de la justice, est un bien ; et, au contraire, lorsqu’ils échappent au supplice, ils sont affligés d’un mal de plus, j’entends l’impunité même, qui, de ton propre aveu ; est un mal, puisque c’est une injustice.-Je ne puis en disconvenir. — Donc les méchants sont bien plus malheureux quand ils jouissent d’une impunité injuste, que lorsqu’ils reçoivent unejuste punition. Mais si la punition des méchants est un acte de justice, leur impunité est une injustice ; c’est clair. — Qui pourrait le nier ? — Personne ne niera non plus, reprit-elle, que tout acte de justice soit certainement un bien, et toute injustice un mal. — Ces propositions, dis-je, ne sont que les conséquences des principes précédemment établis. Mais dis-moi, je te prie, ne réserves-tu pas d’autres supplices aux âmes après la destruction du corps ?-Oui, assurément, et de très-grands. Dans ma pensée, les uns, les plus rigoureux, sont de véritables châtiments ; les autres, tempérés par la clémence, ont pour objet la purification des âmes ’°. Mais je n’ai pas l’intention de traiter présentement ce sujet. Toujours est-il que je t’ai amené à reconnaître que cette puissance des méchants, qui te causait tant d’inflignation, est absolument nulle ; que tu te plaignais à tort de leur impunité, puisque ja- V mais ils n’échappent au châtiment de leurs mauvaises