Page:Boethius - Consolation 1865.djvu/315

Cette page n’a pas encore été corrigée

LA CONSOLATION PHILOSOPHIQUE, ’LIV. IV. 231 VII s

— J’avoue, dis-je, etje reconnais qu’on peut dire avec raison que les méchants, tout en conservant la forme humaine, sont néanmoins, à ne regarder que l’état de leur âme, transformés en brutes. Mais leur férocité et leur scélératesse s’acharnent à la perte des gens de bien, et je ne voudrais pas qu”ils eussent une telle licence.-Ils ne liont pas non plus, répondit-elle, et je le prouverai en son lieu. Cependant, qu’on retire aux scélérats ce prétendu pouvoir, et les voilà déchargés d’une grande partie de leur peine. Et en effet, bien que cette proposition puisse paraître incroyable, les méchants sont nécessairement plus malheureux lorsqu’ils réalisent leurs projets, que lorsqu’ils sont dans l’impuissance de les mener E1 fin. Car, si c’est un malheur pour eux de vouloir le mal, c’en est un plus grand de pouvoir le commettre, puisque autrement leur volonté, cause première de leur infortune, resterait sans effet. Aussi, comme chacune de res trois facultés est un malheur, c’est être trois fois malheureux que de vouloir, pouvoir, et commettre le mal.- Je me rends, dis-je ; mais je voudrais de tout mo11 cœur qu’ils fussent affranchis le plus tôt possible de ce malheur, en perdant le pouvoir de nuire. «— Ils en seront affranchis, répondit-elle, plus tot que tu ne le souhaites peut-être, et qu’ils ne le croient eux-mêmes. Car, dans le cours d’une vie si rapide, rien n’arrive assez tardivement pour que l’attente puisse en paraître longue, surtout à une âme immortelle. Ces espérances démesurées, ces présomptueuses machinations