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INTRODUCTION.

dont personne n’eût songé il lui demander compte, il osa revendiquer, dans l’intérêt des opprimés, les droits de sa charge, droits souvent illusoires, il est vrai, mais que la loi, à défaut des mœurs, reconnaissait encore. Qu’on se représente la société romaine de ce temps : deux peuples superposés l’un à l’autre, le vaincu sous le vainqueur, le civilisé sous le barbare ; l’un, vieilli dans les raffinements d’une civilisation décrépite, énervé, exténué d’âme et de corps, mais plein de mépris pour la force brutale qui l’écrase ; l’autre, jeune, robuste, énergique, mais fier de sa force, irascible et violent, cupide, de plus, et pillard comme les enfants et les sauvages ; entre ces deux peuples dissemblables par l’origine, par les idées, par les mœurs, par le langage, un malentendu perpétuel, c’est-à-dire un état permanent de division et de haine ; au-dessus d’eux, un roi soutenu d’un côté, à peine supporté de l’autre, acclamé par ses compagnons d’armes, subi en silence par ses nouveaux sujets, partial, nécessairement, et, après de généreuses mais inutiles tentatives de conciliation, obligé de revenir aux premiers et d’abandonner les autres ; qu’on se représente, disons-nous, une société constituée de la sorte ; qu’on s’ima-

    térêt au lecteur. Elle était pourtant nécessaire. D’après la tradition, Elpis était chrétienne, et chrétienne fervente ; on lui attribue même deux hymnes : Aurea lux… et Felix per omnes…, qui se chantent encore aujourd’hui dans quelques diocèses. Si elle avait été la femme de Boèce, il en résulterait une forte présomption en faveur du christianisme de notre auteur. C’est là, en effet, un des arguments le plus souvent produits par les partisans d’une opinion qui n’est pas la nôtre. Il nous importait d’y répondre.