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LA CONSOLATION PHILOSOPHIQUE, LIV. I.


Mais qu’un jour le peuple, innombrable foule,
Mesure ces rois qu’il croyait si grands,
Honteux de sa peur, à son tour il foule
Sous son pied vainqueur ses pâles tyrans.

Toi qui fais sortir l’effet de la cause,
De la terre en pleurs bannis le hasard ;
Dans le monde l’homme est bien quelque chose,
Seigneur ! à ses maux accorde un regard !

Le sort fait à l’homme une rude guerre ;
Détourne de nous ses coups furieux,
Et que ta sagesse impose à la terre
L’inflexible loi qui régit les cieux ! »

X

Quand ma douleur se fut soulagée tout d’un trait par ce fracas de lamentations, elle, le visage tranquille, et sans paraître le moins du monde émue de mes plaintes : « Il m’a suffi, dit-elle, de voir ta tristesse et tes larmes pour connaître que tu étais malheureux et exilé. Mais dans quelles lointaines régions est le lieu de ton exil, si ton discours ne me l’avait appris, je ne l’aurais pas deviné. Pourtant, tu n’as pas été banni de ta patrie ; tu t’es égaré hors de ses limites ; ou si tu veux en avoir été banni, tu ne l’as été que par toi-même. Il n’est puissance au monde, en effet, qui eût pu t’infliger un pareil traitement. Rappelle-toi quelle patrie a été ton berceau36. Elle n’est pas, comme l’ancienne république d’Athènes, soumise au gouvernement de la multitude.