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LA CONSOLATION PHILOSOPHIQUE, LIV. I.


Le jour disparaît, et la nuit allume
Dans l’éther glacé le brillant Vesper ;
L’aurore à son tour, dissipant la brume,
Devant le Soleil fait fuir Lucifer.

Selon que nos champs dorment sous la neige,
Ou qu’en nos vergers mûrissent les fruits,
Ta main prévoyante, ô Seigneur, abrége
Les heures du jour ou le cours des nuits.

Borée ou Zéphyr, chaleur ou froidure,
Ton souffle puissant règle les saisons,
Et les grains chétifs semés sous l’Arcture,
L’ardent Sirius les change en moissons.

Docile à tes lois, toute la nature
Marche d’un pas sûr vers un but certain :
L’homme seul, Seigneur, erre à l’aventure,
Jouet du hasard et de ton dédain35.

Hélas ! c’est ainsi ; selon son caprice
Le sort inconstant menace ou sourit ;
L’assassin puissant échappe au supplice,
Lâchement frappé l’innocent périt.

Ne voyons-nous pas le crime et le vice,
La couronne au front, trôner en haut lieu ;
Et sous leur sandale, ô sainte justice !
Fouler sans pudeur les élus de Dieu ?

Dans l’ombre et l’oubli la vertu proscrite
Cherche son salut ; le crime pervers
Couvre sa laideur d’un masque hypocrite,
Et, le front levé, brave l’univers.