autres intestins nourrissans tous le corps humain, comme les laboureurs. Et combien que les hommes qui n’ont point d’intellect, ne laissent pas de vivre, fans voler plus haut à la contemplation des choses divines, & intellectuelles : aussi la Republique Aristocratique, & populaire, qui n’ont point de Roy, s’entretiennent & gouvernent leur estat : neantmoins elles ne sont point unies, ny lyees si bien, que s’il y avoit un Prince, qui est comme l’intellect, qui unist toutes les parties, & les accorde ensemble : quand l’ame raisonnable est guidee par prudence, l’appetit de vindicte par magnanimité : la cupidité bestiale par temperance, & l’intellect est eslevé par contemplations divines : alors il s’establit une justice tres-harmonieuse, qui rend à chacune des parties de l’ame ce qu’il luy apartient : ainsi peut on dire des trois estats, guidez par prudence, par force, & temperance, & ses trois vertuz morales accordees ensemble, & avec leur Roy, c’est à dire à la vertu intellectuelle & divine, il s’establist une forme de Republique tresbelle, & harmonieuse. car tout ainsi que de l’unite depend l’union de tous les nombres, & qui n’ont estre ny puissance que d’elle : aussi un Prince souverain est necessaire, de la puissance duquel dependent tous les autres. Et tout ainfi qu’il ne fe peut fai¬ re fi bonne mufique,où il ny ayt quelque difeord,qui faut par neceflî- té entremefler^pourdonerplusde graceauxbonsaccords.ee que fait le bon muficien pour rendre laconfonance de la quarte,de la quinte,ôede l’odaue,plus agreable,coulant au parauant quelque difeord ,qui rend la confonance que i’ay dit douce à merueilles. ce que font auflî les friâds cuifiniers, qui pourdonnermeilleurgouftaux bonnes viandes,entre- gettér quelques plats de faufles afpres,ôc mal plaifantes.& le dode pain- tre pour rehaufïer fa peinture, ôc donner luftre au blanc, Pobfcurcift à Tentour de noir ôcd’vmbrages.car la nature du plaifir eft telle en tou¬ tes les chofes de ce mode,qu’il perd fa grâce fionn’agoufté le defplai- fîrÔc le plaifir toufiours côtinuant,deuient fade,pernicieux,ôc mal plai- fant. auflî eft-il neceflaire,qu’il y ayt quelques fols entre les fages:qlques homes indignes de leur charge entre les homes experimentez : ôc quel¬ ques vicieux entre les bons,pour leur donner luftre, Ôc faire cognoiftre au doigt,Ôc à l’œil la différence du vice à la vertu,du fçauoir à lignorace. car quand les fols,les vicieux, les mefehans font mefprifez.* alors les fa- ges^es vertueux,les gens de bien,reçoiuent le vray loyer de leur vertu, qui eft l’honneur. Et femble que les anciens Theologiens nous auoyent figuré ce que i’ay dit:donnant à Themis trois filles,à fçauoirt^ gjeimxtEîfm: c’eft à dire loy droite, Equité, Ôc Paix : qui fe raportent aux jes x!-e trois formes de Iuftice, Arithmétique,Geometrique, Ôc Harmonique: ^ ^ ^ôc neantmoins la paix, qui figure l’harmonique, eft le feul but, ôc com-i»itii- o-to jti porter auxble de toutes les loix, ôc îugemens ,ôc du vray gouuernement royal: rcomme la Iuftice harmonique,eft le but du gouuernement geometri- no^; P10que,ôcarithmetique.Ce point là bien efclarci, reste à voir s’il est vray ce
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