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le à tous les peuples, je n’en mettrai que deux ou trois exemples. Olore Roy de Thrace contraignit les Daces, pour avoir été vaincus des ennemis, de servir à leurs femmes, en signe de servitude extrême. Et de la plus grande contumélie dont il se peut aviser. Aussi lisons nous que par les lois des Lombars la femme était en même sujétion que les anciennes Romaines : et les maris avaient toute puissance de la vie et de la mort, de laquelle ils usaient encore au temps de Balde, il n’y a pas CCLX. ans. Quant à nos ancêtres Gaulois y eut-il jamais en lieu du monde plus grande puissance sur les femmes, qu’ils ont eu ? Cæsar le montre bien en ses mémoires, où il dit que les Gaulois avaient toute puissance de la vie et de la mort sur les femmes et enfants, tout ainsi que sur leurs esclaves. Et s’il y avait tant soit peu de soupçon que le mari fût mort, par le fait de la femme, les parents la prenaient, et lui baillaient la question, et si elle était convaincue ils la faisaient mourir cruellement, sans l’autorité du magistrat. Mais la cause était bien plus apparente, que pouvoir avoir bu du vin, qui suffisait au mari par la loi des Romains, pour faire mourir sa femme : et en cela tous les anciens s’accordent. Qui n’était pas seulement la coutume des Romains, ains aussi Théophraste écrit, que les anciens habitants de Marseille en Provence, et les Milésiens usaient de même loi contre les femmes qui avaient bu du vin : jugeant que les appétits immodérés de la femme sujette au vin, la feraient aussi tout ivrogne, et puis adultère. Aussi trouvons nous que la puissance donnée au mari, par la loi de Romulus, de faire mourir sa femme pour cause d’adultère sans autorité du magistrat, était commune à toute la Grèce aussi bien comme aux Romains. Car la loi Julia, qui permet seulement au père de tuer sa fille avec l’adultère trouvés sur le fait, et non autrement, a été faite par Auguste sept cents ans après la loi de Romulus. Et néanmoins la loi Julia a permis aussi au mari d’en user comme le père envers certaines personnes exceptées : punissant le mari bien légèrement, qui aurait passé outre l’exception de la loi. Mais la peine publique, ne déroge point à la puissance du mari en autre sorte de corrections que le mari avait sur la femme, outre que la peine de mort, qui pour ce regard lui était interdite. Depuis Theodora Imperatrice ayant toute puissance sur l’Empereur Justinian, homme hébété de son sens, fît toutes les lois qu’elle put à l’avantage des femmes, et entre autres mua la peine de mort en une peine d’infamie, comme firent aussi anciennement les Athéniens, excommuniant les adultères, avec note d’infamie, ainsi que nous lisons aux plaidoyer de Démosthène : qui semble chose ridicule, attendu que l’infamie ne peut ôter l’honneur à celle qui l’a perdu, et qui est du tout déhontée, tellement qu’elle demeure quasi sans peine, mêmement en ce Royaume, d’un crime que la loi de Dieu punit de la plus rigoureuse mort qui fût lors, c’est à savoir de la lapidation : et que du moins les Ægyptiens punissaient, en coupant le nez à la femme, et les parties honteuses à