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ce qu’elles étaient contraires aux coutumes des lieux, quand il fut question des successions de l’Aval, du comte de Dreux, et de Montmorancy, qu’on voulait faire indivisible contre la coutume du vicomté de Paris. Car il faut que les traités des familles soient sujets aux lois tout ainsi que les chefs de famille sont sujets aux princes souverains. Voilà quant à la différence, et similitude de la famille et de la République en général : disons maintenant des membres de la famille.


DE LA PUISSANCE MARITALE, ET S’IL
est expédient de renouveller la loy de répudiation.


CHAP. III.



T oute République, tout corps et collège, et tout 
ménage se gouverne par commandement, et obéissance : quand la liberté naturelle qu’un chacun a de vivre à
 son plaisir, est rangée sous la puissance d’autrui : et toute puissance de commander autrui, est publique ou particulière. La puissance publique gît au souverain, qui donne la loi, ou en la personne des magistrats, et aux particuliers. Le commandement particulier est aux chefs de ménages, et aux corps et collèges en général, sur chacun d’eux en particulier, et à la moindre partie de tout le corps en nom collectif. Le commandement des ménages se prend en quatre sortes du mari envers la femme, du père envers les enfants, du seigneur envers les esclaves, du maître envers les serviteurs. Et d’autant que le droit gouvernement de toute République, corps et collèges, sociétés et ménages dépend de savoir bien commander, suivant la division que nous avons posée. Nous appelons liberté naturelle de n’être sujet, après Dieu, à homme vivant, et ne souffrir autre commandement que de soi-même : c’est à dire de la raison, qui est toujours conforme à la volonté de Dieu. Voilà le premier et le plus ancien commandement qui soit, c’est à savoir de la raison sur l’appétit bestial : et auparavant qu’on puisse bien commander aux autres, il faut apprendre à commander à soi-même rendant à la raison la puissance de commander, et aux appétits l’obéissance : et en cette sorte chacun aura ce qui lui appartient, qui est la première et la plus belle justice qui soit : et ce que les Hébrieux disaient en commun proverbe, commencer charité par soi-même, qui n’est autre chose que rendre les appétits ployables à la raison. C’est le premier commandement que Dieu a établi par édit exprès, parlant à celui qui premier tua son frère. Car le commandement qu’il avait donné auparavant au mari par dessus la femme, porte double sens, et double commandement : l’un qui est littéral de la puissance maritale : et l’autre moral, qui est de l’âme sur le corps, de la raison sur la cupidité, que l’écriture sainte appelle quasi toujours femme, et principalement Salomon, qui semble à beaucoup de personnes,