PRÉFACE
Boccace a usé une partie de sa vie à vouloir plaire et l’autre à recueillir les enseignements du passé. Laissant à Dante la force et la grandeur, à Pétrarque le savoir et la vanité, il a choisi la grâce et la bonhomie fine. Ni violent, ni susceptible, il est aimable. Depuis six siècles le souvenir des hommes éclaire son image d’un sourire bienveillant. Boccace était modeste ; il bornait son ambition à bien aimer et à bien servir les dames et les hommes aussi. Il a eu la passion de l’amour, le culte de l’amitié, un sens profond de l’admiration et l’habitude de la reconnaissance. Conscient de ses faiblesses, il n’a voulu être qu’un pauvre homme de bonne volonté. Du poète, il se fait une idée si haute, qu’il se récrie quand ses amis veulent lui donner ce titre, tant la distance lui semble grande entre ce qu’il a rêvé et ce qu’il a conçu. Sa constante activité ne l’a pas enrichi ; il était trop généreux pour cela. Pour rapprocher ceux qu’il estimait, pour leur faire partager ses enthousiasmes, aucun effort ne lui coûtait. Il a mis tous ses soins à débarrasser la gloire de Pétrarque, son ami, des ternissures de l’envie littéraire. Il a copié de sa main la Divine comédie pour ce toscan de génie qui s’entêtait à ne lire que du latin. Répandre les livres où son esprit s’était enrichi, semblait à Boccace un devoir et jamais humaniste n’a copié avec plus d’amour les œuvres de ses auteurs.