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ses forces trop faibles pour une telle œuvre, mais il dut céder à de nouvelles et plus pressantes instances. Le Maçon était conseiller du roy de France, receveur général de ses finances en Bourgogne et trésorier de l’extraordinaire de ses guerres. Il s’intitule aussi secrétaire de Marguerite. Sans cesse aux prises avec des difficultés, dont il fallait qu’il se tirât, il ne devait pas souvent avoir la tête aux belles et profitables histoires. Cependant, comme les hommes occupés trouvent toujours des loisirs, il commença de traduire une nouvelle, puis deux, puis trois, puis dix. Il consulta des Toscans et des Français qui le louèrent de sa fidélité au texte du Décaméron. Son effort tend à ne dire en français ni plus ni moins que Boccace n’a dit en sa langue. Au moment de livrer aux presses sa traduction Le Maçon est pris de scrupules. Les gens ne s’étonneront-ils pas devoir un homme «tant chargé de gros affaires publicques » traduire des nouvelles ? C’est pourquoi il supplie la reine qui lui a demandé cette traduction de la prendre sous sa protection et de les mettre, Boccace et lui, à l’abri des médisants[1].

Nous ne savons pas à quel moment Le Maçon se mit résolument à l’œuvre, mais il est certain que sa version est le fruit d’un long labeur. À force de retouches il est parvenu à serrer toujours de plus près le texte italien. Son Décaméron est enfin mis en vente à Paris, en 1545, chez «. Estienne Roffet dict le Faulcheur, Libraire demeurant sur le pont Sainct Michel, à l’enseigne de la Roze blanche. » Ce volume in-folio porte en tête un dizain qui exalte l’art du traducteur en termes chaleureusement symboliques. Jugez plutôt :

  1. Je trouve ces détails dans l’épître liminaire que Le Maçon a mise au début de son livre et dont voici l’adresse : « A très haulte et très illustre princesse Marguerite de France, sœur unique du Roy, Royne de Nauarre, Duchesse d’Alencon et de Berry : Anthoine Le Maçon,… perpétuelle félicité. »