vait se donner en cachette autant de bon temps qu’elle pourrait, comme on avait fait jusqu’à ce jour. Ayant fait relâcher l’Isabetta, elle s’en retourna coucher avec son prêtre, et l’Isabetta avec son amant, qu’elle fit revenir souvent depuis, en dépit de celles qui lui portaient envie. Pour les autres qui étaient sans amant, elles pourchassèrent en secret leur aventure du mieux qu’elles surent. — »
NOUVELLE III
Maître Simon, sur les instances de Bruno, de Buffamalcco et de Nello, fait
croire à Calandrino qu’il est en mal d’enfant. Ce dernier, en guise de médecine,
donne aux susdits compères des chapons et de l’argent et guérit sans
accoucher.
Quand Elisa eut fini sa nouvelle, et tous ayant rendu grâces à Dieu de ce que la jeune nonne s’était heureusement tirée des griffes de ses envieuses compagnes, la reine ordonna à Philostrate de poursuivre. Celui-ci, sans attendre plus ample commandement, commença : « — Très belles dames, le grossier juge marquisan, dont je vous ai parlé hier me tire de la bouche une nouvelle de Calandrino que je voulais vous dire. Et, pour ce que tout ce qu’on raconte de lui ne peut que redoubler notre gaîté, bien qu’il ait été déjà beaucoup parlé de lui et de ses compagnons, je vous dirai encore la nouvelle que j’avais hier en l’esprit.
« Il a déjà été démontré assez clairement ce qu’étaient Calandrino et les autres dont je dois parler dans cette nouvelle ; pour ce, sans rien ajouter à ce sujet, je dis qu’il arriva qu’une tante de Calandrino mourut et lui laissa deux cents livres comptant, en petite monnaie. Sur quoi, Calandrino se mit à dire qu’il voulait acheter un domaine, et il allait, proposant marché à tous les courtiers qu’il y avait à Florence, comme s’il avait eu à dépenser dix mille florins d’or ; mais l’affaire se gâtait toujours quand on en venait au prix du domaine en question. Bruno et Buffamalcco qui savaient cela, lui avaient plus d’une fois dit qu’il ferait mieux de dépenser son argent à s’amuser avec eux, que de chercher à acheter de la terre, comme s’il avait eu à faire des balles ; mais ils n’avaient pas même pu l’amener à leur payer une seule fois à dîner. Pour quoi, un jour qu’ils s’en plaignaient entre eux, un peintre de leurs compagnons, nommé Nello, étant survenu, ils résolurent tous les trois de trouver un moyen pour se graisser le museau aux dépens de Calan-