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déjà appris que le duc avait aimé la Maddalena, il lui demanda comment il pouvait se faire que la Ninetta fût là. La Maddalena ourdit une longue fable pour le lui expliquer, mais elle fut peu crue par lui, car il était rusé, et il la contraignit à dire la vérité ; enfin, après beaucoup de paroles, elle la lui dit. Folco, vaincu par la douleur et enflammé de colère, tira son épée et, pendant qu’elle lui demandait en vain pardon, il la tua ; puis, craignant la colère et la justice du duc, il alla à l’endroit où était la Ninetta, et feignant un air joyeux, lui dit : « — Vite, allons-nous en là où il a été convenu avec ta sœur que je te mènerais, afin que tu ne tombes plus entre les mains du duc. — » Ce que croyant, la Ninetta qui, dans sa terreur, désirait vivement partir, se mit en route avec Folco sans prendre autrement congé de sa sœur, la nuit étant déjà venue. Et avec l’argent sur lequel Folco put mettre les mains, ce qui fut peu de chose, ils coururent vers la mer, montèrent sur une barque et jamais on ne sut où ils étaient arrivés.

« Le jour suivant venu, et la Maddalena ayant été trouvée morte, d’aucuns par envie et haine pour Ughetto allèrent sur-le-champ le dire au duc ; pour quoi, le duc qui aimait beaucoup la Maddalena, accourut tout enflammé de colère, et s’emparant d’Ughetto et de sa dame qui ne savaient encore rien de toutes ces choses, c’est-à-dire du départ de Folco et de la Ninetta, il les contraignit de confesser qu’ils étaient les complices de Folco dans la mort de la Maddalena. Craignant à cause de cet aveu d’être mis à mort, Ughetto et sa dame corrompirent à grand’peine ceux qui les gardaient en leur donnant une certaine quantité d’argent qu’ils avaient caché dans leur demeure pour les cas opportuns, et en compagnie de leurs gardiens, sans avoir le temps de rien prendre de ce qui leur appartenait, étant montés sur une barque, ils s’enfuirent de nuit à Rhodes, où ils vécurent, non longtemps, dans la pauvreté et dans la misère. Ainsi donc le fol amour de Restagnone et la colère de la Ninetta les conduisirent à une telle fin, eux et leurs compagnons. — »



NOUVELLE IV


Gerbino, malgré la parole donnée par son aïeul le roi Guiglielmo, attaque un navire du roi de Tunis pour enlever la fille de ce dernier. Celle-ci est tuée par ceux qui étaient sur le navire. Gerbino les tue tous, et a, à son tour, la tête tranchée par ordre de son aïeul.


Sa nouvelle finie, la Lauretta se tut, et dans la compagnie chacun causant avec l’un ou avec l’autre, se lamentait