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des habits magnifiques étalés sur des perches, selon l’usage de ce pays-là. Comme il était encore tout neuf, il fut étonné de cet éclat, et ne douta point qu’il n’eût affaire à une dame de conséquence. Quand ils furent assis l’un et l’autre sur un sofa, situé près du lit, la donzelle lui tint ce discours :

« Je ne doute nullement, mon cher André, que tu ne sois surpris de mes caresses et de mes larmes. J’avoue que tu dois l’être, puisque tu ne me connais pas et que tu n’as peut-être jamais entendu parler de moi. Mais ta surprise sera bien plus grande, quand je t’aurai dit que je suis ta sœur. J’ai toujours désiré de voir tous mes frères avant de mourir ; mais, puisque le bon Dieu me fait la grâce d’en voir un, je t’assure qu’à présent je mourrai contente, en quelque temps qu’il lui plaise de m’appeler à lui. Tu n’as sans doute aucune connaissance de ceci ; je vais te découvrir ce mystère en peu de mots.

« Tu as pu entendre dire que la Pierre, mon père et le tien, fit autrefois un long séjour à Palerme. Son caractère, naturellement bon et obligeant, lui acquit dans cette ville un grand nombre d’amis, dont plusieurs vivent encore. De toutes les personnes qu’il sut s’affectionner, ma mère, née de parents nobles, et alors veuve d’un très-bon gentilhomme, fut sans doute celle qui eut pour lui le plus grand attachement ; puisque sans être arrêtée par la crainte de son père