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avait servi à acquérir tant de richesses ; mais à peine fut-il en pleine mer, qu’il s’éleva, pendant la nuit, un vent des plus violents. Il agita et souleva les flots avec tant de fureur, que Landolfe, voyant que sa petite frégate ne pourrait longtemps résister à l’impétuosité des vagues, prit le parti de se réfugier promptement dans un petit port formé par une île qui le défendait de ce vent.

Bientôt après, deux grandes caraques génoises, venant de Constantinople, entrèrent dans ce même port pour se mettre à l’abri de l’ouragan. Les Génois, ayant appris que le petit vaisseau appartenait à Landolfe, qu’ils savaient, par la voix publique, être très-riche, et étant naturellement passionnés pour l’argent et avides du bien d’autrui, conçurent le dessein de s’en rendre les maîtres. Ils lui fermèrent d’abord le passage ; puis, ils mirent à terre une partie de leurs gens, munis d’arbalètes et bien armés, qui se postèrent en un lieu d’où ils pouvaient aisément accabler de traits quiconque aurait osé sortir du vaisseau. Après cela, le reste de l’équipage, étant entré dans les chaloupes, s’approcha à force de rames et à la faveur du vent, et l’on s’empara du petit vaisseau de Landolfe, sans coup férir et sans perdre un seul homme. Les honnêtes Génois firent monter le Ravellin sur une de leurs caraques ; et, après avoir pris tout ce qui était dans son vaisseau, ils le coulèrent à fond. Le malheureux Landolfe fut mis à fond de cale, et on ne lui laissa pour tout vêtement qu’un fort mauvais haillon. Le lendemain le vent changea : les Génois firent voile vers le ponant, et voguèrent heureusement pendant tout le jour ; mais, à l’entrée de la nuit,