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M. l’abbé fut ravi de sa manière de parler, facile et gracieuse. Il trouva dans le son de sa voix je ne sais quoi de doux qui allait au cœur. Sentant croître l’intérêt qu’il lui avait d’abord inspiré, il se mit à l’étudier de plus près, et conclut, d’après ses observations, qu’il devait être véritablement gentilhomme, malgré la profession servile qu’il avait exercée à Londres. Il fut touché de son infortune, et lui dit, pour le consoler, qu’il ne fallait désespérer de rien. « Qui sait, ajouta-t-il, d’un ton qui annonçait le vif intérêt qu’il prenait à son sort, qui sait si le ciel, qui n’abandonne jamais les hommes de bien, ne vous réserve point une fortune égale à celle dont vous avez joui, et peut-être plus considérable ? » Il finit par lui dire que puisqu’il allait en Toscane, où il devait passer lui-même, il lui ferait plaisir de demeurer en sa compagnie. Alexandre le remercia de l’intérêt qu’il prenait à son infortune, et l’assura qu’il était disposé à se conformer à ses moindres désirs.

Pendant qu’ils voyagent ainsi de compagnie, le jeune seigneur anglais paraissait quelquefois rêveur et pensif. Le Florentin, qui lui devenait chaque jour plus cher, donnait lieu à ses rêveries : il avait des vues sur lui pour certain projet. Il en était tout occupé, lorsque, après plusieurs journées de marche, ils arrivèrent à une petite ville, qui n’était rien moins que bien pourvue d’auberges. On s’y arrêta cependant, par la raison que M. l’abbé était fatigué. Alexandre, qu’il avait chargé, dès le premier jour, du soin des logements, parce qu’il connaissait mieux le pays que pas un de sa suite, le fit descendre à une auberge