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Gisippus, demeuré à Athènes, eut à soutenir plusieurs disgrâces de la part de ses concitoyens. On profita de l’éloignement de Titus pour cabaler contre lui ; et l’on intrigua si bien, qu’il fut condamné, avec toute sa famille, à un exil perpétuel. De riche qu’il était, il devint si pauvre, que, se voyant réduit à la mendicité, il se traîna comme il put jusqu’à Rome, pour éprouver s’il restait encore quelques traces de son souvenir dans le cœur de Titus. Il apprit, en arrivant, qu’il vivait et qu’il jouissait de l’estime et de la bienveillance générales des Romains. Il se plaça à la porte de sa maison, et attendit l’instant où il sortirait, n’osant se faire annoncer, tant il rougissait de l’état pitoyable où la fortune l’avait réduit ; mais il n’oublia rien pour s’en faire remarquer, bien persuadé que son ami, le reconnaissant, ne manquerait pas de le faire appeler. Titus sortit et passa sans lui rien dire. Gisippus, croyant qu’il l’avait aperçu et qu’il l’avait dédaigné, se retira outré de douleur et de ressentiment, en pensant à tout ce qu’il avait fait pour lui. Il était déjà nuit, que ce Grec infortuné était encore à jeun. N’ayant ni argent, ni ressources, et souhaitant plus la mort que la vie, il sort de la ville, va dans un lieu affreux, solitaire, voit une caverne, s’y enfonce, se jette sur la terre et attend le sommeil, en arrosant de pleurs amers la pierre qui lui sert d’oreiller.

Le lendemain matin, deux voleurs arrivèrent à cette caverne pour y partager le butin de la nuit. Ils se prirent de querelle entre eux ; ils en vinrent aux mains, et le plus fort tua l’autre. Gisippus, témoin de cette aventure, crut avoir