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font voir, à quiconque veut y faire attention, que c’est disputer de sagesse avec la Divinité même, que de condamner ce qui est fait et qui ne peut se détruire. Si les dieux sont infaillibles, comme nous devons le croire, quelle folie, quelle grossière présomption, et quelle punition ne mérite-t-on pas de trouver à redire à ce qu’ils font ou à ce qui s’est fait par leur ordre ? Or n’êtes-vous pas du nombre de ces téméraires, de ces présomptueux, vous qui ne cessez de blâmer mon mariage avec Sophronie que vous avez cru marier avec Gisippus ? vous qui ne voulez pas réfléchir qu’il était ordonné de toute éternité qu’elle serait ma femme et non celle de mon ami ? Mais, sans chercher à m’appuyer des décrets de la Providence, dure à quelques-uns et impénétrable à tous, supposons que les dieux ne se mêlent point de nos actions, et bornons-nous aux raisons purement humaines. Pour cet effet, je serai obligé de faire deux choses bien opposées à mon caractère : l’une, de me louer un peu, l’autre, de censurer autrui ; mais, comme dans l’un et l’autre cas je n’ai besoin que de la vérité, ne craignez pas que je la déguise dans la moindre chose. Je commence par vous dire que rien n’est moins raisonnable et n’annonce plus l’aveuglement de la fureur que vos plaintes, vos déclamations, vos sarcasmes contre Gisippus, sous prétexte qu’il m’a donné pour femme celle que vous lui aviez destinée. Et, véritablement, loin de voir dans cette action quelque chose de blâmable, je n’y trouve rien qui ne me paraisse digne d’éloge : 1° parce qu’il a fait le devoir d’un ami ; 2° parce qu’il a agi plus sagement que vous n’auriez fait. Je ne veux