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poitrail de jument. » Il en fit autant sur le ventre, sur les cuisses, sur les jambes et sur les bras. Il ne restait plus que la queue à former ou plutôt à placer. Le curé se poste derrière le cul de Jeannette, et, tandis qu’il appuie une de ses mains sur la croupe, il prend de l’autre l’outil avec lequel on plante les hommes, et l’introduit dans sa gaine naturelle ; mais à peine l’y a-t-il enfoncé, que Pierre, qui, jusqu’à ce moment avait tout regardé attentivement et sans mot dire, ne trouvant pas cette dernière opération de son goût, s’écria : « Halte là, messire Jean ; je n’y veux point de queue, je n’y veux point de queue : aussi bien l’attachez-vous trop bas. » Le curé ne démarrait point ; le mari courut le tirer par sa soutane. « Peste de nigaud ! dit messire Jean tout chagrin, car il n’avait pas bien achevé sa besogne ; ne t’avais-je pas recommandé de garder le plus profond silence, quelque chose que tu visses ? la métamorphose allait s’opérer dans l’instant ; mais ton maudit babil a tout gâté, et ce qu’il y a de pis, c’est que je ne puis recommencer. — Vraiment, répondit Pierre, je n’y voulais pas une telle queue, et vous l’attachiez beaucoup trop bas ; et, s’il en fallait une absolument, pourquoi ne me disiez-vous pas de la mettre moi-même ? »

La jeune femme, qui avait pris goût à cette dernière opération de la cérémonie : « Bête que tu es ! dit-elle à son bonhomme de mari, pourquoi as-tu gâté tes affaires et les miennes ? où as-tu jamais vu de jument sans queue ? Tu seras