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Joseph revint vers Mélisse. « Nous verrons demain, dit-il, quel miracle aura opéré le conseil d’aller au Pont aux oies. » Après s’être reposé un moment, il lava ses mains, puis se mit à table ; et quand l’heure du repos fut venue, ils allèrent se coucher. Cependant, la pauvre femme se ramassa, se jeta sur un lit, où elle reposa le mieux qu’il lui fut possible. Le lendemain, elle se lève de bonne heure, va trouver son mari, lui demande ce qu’il veut pour son dîner. Celui-ci, riant avec Mélisse de l’heureux succès de son expédient, dit ce qu’il veut. L’heure venue, on trouva la table servie selon les ordres reçus, Joseph et Mélisse se réunirent donc pour louer la sagesse du conseil qu’ils n’avaient pas d’abord compris.

Quelques jours après, Mélisse, revenu chez lui, confia à un homme sage la réponse de Salomon. Ce sage lui dit : « Il ne pouvait vous donner un meilleur conseil. Vous savez bien que vous n’aimez personne. Les fêtes que vous donnez, les plaisirs que vous procurez, ce n’est pas par amitié pour quelqu’un, c’est pour vous, pour vous seul, pour satisfaire votre vaine gloire. Aimez donc, comme vous l’a dit Salomon, et vous serez aimé. »

C’est ainsi que Joseph parvint à corriger sa femme, et Mélisse à avoir des amis.


NOUVELLE X

LA JUMENT DU COMPÈRE PIERRE

Il y avait, l’année dernière, à Barlette, un prêtre nommé messire Jean de Barole. Son bénéfice ne lui suffisant pas pour vivre, il conduisait, de côté et d’autre, dans les foires de la Pouille, différentes marchandises sur une jument qui lui appartenait. En courant le pays, il avait fait rencontre d’un certain Pierre, du village des Trois-Saints, qui faisait, avec un âne, le même métier que lui. Il ne l’appelait, selon l’usage du pays, que le compère Pierre, à cause de l’étroite familiarité qui les unissait. Toutes les fois qu’il venait à Barlette, il le menait avec lui, le couchait, le régalait du mieux qu’il pouvait. Leurs honnêtetés étaient réciproques. Compère Pierre, qui n’avait à Trois-Saints qu’une petite maisonnette à peine suffisante pour loger son âne, sa femme, jeune et belle, et lui, en faisait les honneurs à messire Jean, quand il lui faisait l’honneur d’y venir. Cependant, quand il s’agissait de coucher, compère Pierre ne pouvait satisfaire sa bonne volonté, n’ayant qu’un lit qu’il partageait avec sa femme ;