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nommé messire Philippe Argenti, homme d’une fort grande taille, emporté, vain, bizarre : « Tu vois ce chevalier, dit-il à son gagne-denier, va le trouver, et lui dis : Monsieur Blondel m’envoie vers vous, et vous prie de vouloir bien lui enrubiner ce flacon de votre excellent vin clairet, parce qu’il veut régaler quelques-uns de ses amis. Garde-toi bien de le laisser approcher de toi, crains qu’il ne le saisisse au collet ; tu ferais fort mal tes affaires et tu gâterais les miennes. — Est-ce là tout ? dit le gagne-denier. — Oui ; va, répète ce que je t’ai dit ; reviens me trouver, et je te payerai. » Le commissionnaire part, et remplit sa commission. Philippe, qui avait un cerveau prompt à s’enflammer, croyant que Blondel, qu’il connaissait fort bien, voulait se moquer de lui, se lève le visage en feu, les yeux étincelants : « Que veut dire ceci ? s’écria-t-il : de quel enrubinement, de quels amis est-il question ? Que le diable vous emporte l’un et l’autre ! » Tout en prononçant ces imprécations, il étendait le bras pour saisir le gagne-denier ; mais celui-ci, qui était sur ses gardes, ne perdit pas un moment pour fuir, et s’en retourna bien vite vers Chiaque, à qui il rendit compte de sa commission, et de qui il reçut la somme dont ils étaient convenus.

Chiaque n’eut plus de repos qu’il n’eût trouvé Blondel. Dès qu’il le rencontra : « Y a-t-il longtemps, lui dit-il, que tu n’as été à la halle de Cavicciulli ? — Non ; mais pourquoi cette question ? — C’est que messire Philippe te fait chercher partout, et je ne sais ce qu’il te veut. — J’y vais donc de ce pas, et je