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cette nouvelle aventure. Lorsque Calandrin fut de retour à l’atelier, Lebrun lui dit doucement : « L’as-tu vue ? — Hélas ! oui, et j’en ai pensé mourir. — Je veux aller voir si c’est celle que j’imagine, et si effectivement c’est la femme de Philippe : laisse-moi faire, je réponds du succès. » Lebrun descendit, alla trouver Philippe et sa maîtresse, leur peignit Calandrin depuis les pieds jusqu’à la tête, et leur conta ce qu’il lui avait dit. Ils résolurent ensemble ce que chacun d’eux devait faire pour s’amuser de la passion de cet imbécile. Lebrun, remonté à l’atelier, lui dit : « C’est celle que j’avais imaginé d’abord : ainsi, il faut que tu te conduises sagement ; car, si Philippe s’apercevait d’une démarche tant soit peu suspecte, toute l’eau de l’Arno ne pourrait suffire pour te laver du crime de l’avoir offensé. Au reste, que veux-tu que je dise à cette aimable femme, s’il arrive que je puisse lui parler ? — Ho, ho ! tu lui diras premièrement que je suis son serviteur ; secondement, que je lui souhaite mille muids de cette divine liqueur qui fait arrondir les femmes ; troisièmement, que je suis tout prêt à la servir, m’entends-tu ? — Très bien : laisse-moi faire. » À l’heure du souper, nos peintres quittèrent l’ouvrage, descendirent dans la cour où étaient Philippe et Colette, et pour faire plaisir à Calandrin, ils s’y arrêtèrent quelques moments. Alors Calandrin fut tout yeux. Il lorgnait Colette, faisait des mines, des gestes d’un goût tout nouveau, et d’une manière si mystérieuse, qu’un aveugle s’en fût aperçu. Pour l’enflammer davantage, Colette, de son côté, mettait en jeu les manèges de la coquetterie ; cependant Philippe, Bulfamaque et les autres spectateurs, feignant de causer, comme Lebrun le