Page:Boccace - Contes de Boccace, trad De Castres, 1869.djvu/531

Cette page n’a pas encore été corrigée

Cependant, comme tous deux ne songeaient qu’aux moyens de se voir et de se réunir, le jeune homme, plus fécond en ressources, trouva un expédient sûr pour se glisser furtivement dans la cellule de sa maîtresse. Tous deux, également joyeux d’une si heureuse découverte, se dédommagèrent de la longue attente, et jouirent longtemps de leur bonheur sans contre-temps. Mais enfin la fortune trahit leurs plaisirs : Isabeau avait trop de charmes, et son amant était trop bien fait, pour n’être pas exposée à la jalousie des autres religieuses. Plusieurs espionnaient toutes ses actions, et, se doutant de son intrigue, elles ne la perdaient presque pas de vue. Une nuit, entre autres, une religieuse vit sortir son amant de sa cellule, sans en être aperçue, et elle communiqua sa découverte à quelques autres. Elles résolurent de dénoncer leur compagne à l’abbesse, nommée madame Usinbalde, et qui passait dans l’esprit de toutes ses nonains, et de quiconque l’avait vue, pour la bonté et la sainteté mêmes. Pour qu’on ne soupçonnât pas leur témoignage, et qu’il ne fût pas possible à Isabeau de le récuser, elles concertèrent de faire en sorte que l’abbesse trouvât la nonain couchée avec son amant. Ce projet arrangé, chacun de son côté fit le guet, se mit aux écoutes, afin de surprendre cette pauvre amante qui vivait dans la plus grande sécurité. Un soir qu’elle avait fait venir son amant, les perfides sentinelles le virent entrer dans sa chambre. Plutôt que de faire du bruit, elles lui donnent le temps de jouir des plaisirs de l’amour, et se divisent en deux bandes ; l’une veille sur l’appartement d’Isabeau, l’autre court chez l’abbesse.