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Les peintres se retirent fort contents des dispositions du docteur, qui, aussitôt que la nuit fut venue, trouva un prétexte auprès de sa femme pour mettre sa belle robe. Il se rendit au temps marqué sur l’un des tombeaux de Sainte-Marie, et y attendit patiemment la bête, malgré le grand froid qu’il faisait. Bulfamaque, qui était grand, vigoureux et agile, mit un de ces masques cornus dont on se servait à certains jeux qu’on a abolis, et se revêtit d’une peau bien velue, de manière qu’on l’eût pris pour un ours, à cela près que le masque représentait la figure du diable. Dans cet équipage, il va, suivi de Lebrun, qui voulait être témoin de la scène, sur la place neuve de Sainte-Marie, et n’a pas plutôt aperçu le médecin qu’il se met à sauter, à siffler et à pousser des hurlements affreux. À cette vue, le médecin, plus peureux qu’une femmelette, sent ses cheveux se dresser, tremble dans toutes ses fibres et commence à regretter son lit. Cependant l’envie de voir les merveilles dont on l’avait entretenu, jointe à la certitude que la bête ne lui ferait aucun mal, l’emporta sur la peur, et il se rassura un peu. Après que Bulfamaque eut fait quelque temps le furieux, il s’apaisa, s’approcha ensuite du tombeau où était le médecin et s’y arrêta. Le docteur qui tremblait encore de frayeur, ne savait s’il devait monter ou non sur la bête. À la fin, craignant qu’elle ne s’impatientât et ne le punit, cette seconde peur chassa la première et le fit monter doucement sur l’animal, disant : « Dieu veuille me conduire ! » Il se rangea du mieux qu’il put, et ne manqua pas de mettre, comme on le lui avait recommandé, ses mains contre la poitrine. Alors Bulfamaque prit à petits pas le chemin de