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de vous donner un des plus jolis bijoux qu’il soit possible de voir. » Il commence ensuite à lui faire de tendres baisers, la pousse tout doucement sur le coffre, et en jouit autant de temps qu’il voulut.

Spinelosse, qui avait tout entendu, entra dans une telle colère, qu’il en pensa crever de rage ; et si la crainte du ressentiment de Sepe ne l’eût arrêté, il n’est pas d’injures qu’il n’eût dites à sa femme, tout enfermé qu’il était. Mais, considérant qu’il avait été l’agresseur, et que Sepe ne faisait que lui rendre cornes pour cornes, il se consola, et résolut d’être son ami plus que jamais.

Cependant la voisine, descendue du coffre, demande le joyau qui lui a été promis. Sepe ouvre alors la porte de la chambre, et appelle sa femme, qui dit en entrant à la voisine : « Vous m’avez rendu un pain pour un gâteau. — Ma femme, dit le mari en l’interrompant, ouvre le coffre. » Puis, se tournant vers la voisine, étonnée de voir là son mari : « Voilà, ma belle dame, le bijou que je vous ai promis. » Il serait difficile de dire lequel eut le plus de honte, ou de Spinelosse, qui savait de quelle manière on venait de le cocufier, ou de sa femme, de voir son mari qui avait entendu tout ce qu’elle avait dit et fait avec Sepe. Spinelosse sortit du coffre. « Nous sommes quittes, mon voisin, dit-il à Sepe sans entrer dans aucune explication ; et si tu veux m’en croire, nous n’en serons pas moins bons amis qu’auparavant. Puisque nous n’avons rien à partager que nos femmes, ajouta-t-il, je suis d’avis que nous les ayons en commun. » Sepe accepta l’offre : ils dînèrent tous quatre ensemble dans la plus parfaite union. Depuis ce jour, chaque femme eut deux maris, et chaque mari eut deux femmes, sans qu’il s’élevât jamais la moindre contestation entre eux pour la jouissance.


NOUVELLE IX

LE MÉDECIN JOUÉ

Un médecin, né à Florence, avait été faire ses études et prendre ses grades à Bologne. De retour dans sa patrie, décoré du bonnet et de la robe de docteur, on ne tarda pas à s’apercevoir qu’il était tout aussi ignorant qu’avant son départ. Et véritablement rien n’est plus ordinaire, dans notre bonne ville de Florence, de voir ceux qui ont été prendre à l’université de Bologne, soit le grade d’avocat, soit celui de médecin, soit celui de notaire, ne cacher, sous leurs longues robes, qu’une sotte présomption, fruit de leur crasse ignorance. C’est surtout ce qu’on