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féconde ; aussi donna-t-il plus de temps à la lecture des poëtes, des orateurs et des historiens du siècle d’Auguste, qu’aux leçons du fameux Cino de Pistoie, qui expliquait alors le Code ; et quand il fut devenu son maître, par la mort de son père, il ne cultiva plus que les muses.

Le premier usage de sa liberté fut d’aller voir Pétrarque à Venise, qui, charmé de son esprit et surtout de son caractère, par l’analogie qu’il avait avec le sien, se lia avec lui de l’amitié la plus étroite et la plus digne d’être proposée pour modèle aux gens de lettres. Quoiqu’ils courussent tous deux la même carrière, on n’aperçoit pas que la plus légère aigreur ait jamais altéré leurs sentiments. Personne n’a plus loué Pétrarque et ses ouvrages que Boccace ; et personne n’a montré plus d’estime pour Boccace que ce poëte célèbre.

Pendant son séjour à Venise, Boccace eut occasion de connaître un savant de Thessalonique, fort versé dans la littérature grecque, nommé Léonce Pilate. Comme il était jaloux d’apprendre la langue d’Homère et de Thucydide, pour lire dans l’original ces auteurs qu’il ne connaissait que par des traductions latines, il persuada à ce savant d’aller s’établir à Florence, et le prit chez lui jusqu’à ce qu’il lui eût procuré une chaire de professeur pour expliquer les auteurs grecs. C’est ce qu’il nous apprend lui-même dans son livre de la Généalogie des Dieux, écrit en latin, et où il le cite souvent ; non que ce professeur eût composé des ouvrages, mais parce que Boccace avait eu soin d’écrire, dans ses recueils, plusieurs des choses qu’il avait apprises de lui dans la conversation.

La famille de Pétrarque avait été chassée de Florence avec les Gibelins, dès le commencement du quatorzième siècle. La célébrité que ce poëte, alors retiré à Padoue, s’était acquise par ses ouvrages et par les honneurs distingués qu’ils lui avaient mérités, détermina les Florentins à lui députer un ambassadeur chargé de négocier son retour, en offrant de lui rendre, des deniers publics, tous les biens que son père Petraccolo avait possédés. Boccace fut choisi d’une voix unanime pour cette commission. Il eut ensuite l’honneur d’être employé à des négociations plus importantes. Ses concitoyens lui confièrent plusieurs fois les intérêts de la république auprès des princes qui pouvaient lui nuire ou la protéger ; et, dans toutes ces circonstances, il justifia l’opinion qu’on avait eue de son zèle et de son habileté.

Les biographes italiens et français qui parlent de Boccace s’étendent beaucoup sur ses ouvrages, et ne disent presque rien des événements de sa vie.