Page:Boccace - Contes de Boccace, trad De Castres, 1869.djvu/499

Cette page n’a pas encore été corrigée

cela sera fait, je te dirai ce qu’il te restera à faire. Suis mes ordres à cet égard, et je te jure de te pardonner, et même d’oublier ta faute. »

La femme promit tout pour mériter sa grâce, et remplit avec exactitude les intentions de son mari.

Le lendemain, Spinelosse et Sepe étaient ensemble sur les neuf heures. Le premier, qui avait promis à la femme de son ami d’aller la trouver à cette heure-là, prétexta, pour se séparer, un dîner qu’il ne voulait point manquer. « Ce n’est point encore l’heure du dîner, ainsi ne t’en va pas sitôt. — Je ne serais point fâché d’arriver de bonne heure, parce que j’ai à parler d’affaires à la personne chez qui je dois dîner. » Le voilà parti et rendu chez sa maîtresse. Ils furent à peine dans la chambre, que Sepe se fait entendre sur l’escalier. Sa femme feint d’avoir peur, engage le galant à se cacher dans le coffre, l’y enferme et sort de la chambre. Sepe paraît et demande à sa femme si le dîner est prêt : « Il le sera dans la minute. — Je viens de quitter Spinelosse, reprit le mari : il dîne en ville chez un de ses amis ; comme sa femme sera toute seule, allez la prier de venir manger un morceau avec nous. » La belle, que le souvenir de sa faute et la crainte d’en être punie rendaient obéissante, fit incontinent ce que voulait son mari, et sollicita si bien sa voisine, à qui elle apprit qu’elle ne devait pas attendre son mari, qu’elle l’emmena. Sepe la reçut avec de grandes démonstrations d’amitié. Il fit signe à sa femme d’aller à la cuisine, et prenant la voisine par la main, la conduisit dans sa chambre et ferma la porte au verrou. « Que signifie ceci ? dit la voisine ; est-ce pour cela que vous m’avez priée à dîner ? c’est donc là l’amitié que vous avez pour mon mari ? — Avant de vous fâcher, madame, répondit Sepe en s’approchant du coffre et la tenant toujours par la main, daignez entendre ce que j’ai à vous dire : J’ai aimé et j’aime encore votre mari comme mon propre frère. Quant à l’amitié qu’il a pour moi, j’ignore si elle est bien tendre ; mais je sais bien qu’elle ne l’empêche pas de coucher avec ma femme comme avec vous. Il le fit hier, de fraîche date, et presque sous mes yeux. Or, c’est parce que je l’aime que je prétends user de représailles et borner là toute ma vengeance. Comme il a joui de ma femme, il est juste que je jouisse de vous : c’est la moindre chose que je puisse exiger. Si vous me refusez cette satisfaction, je vous déclare qu’il ne me sera pas difficile de le surprendre et de le traiter d’une manière dont vous ne vous trouverez pas bien ni l’un ni l’autre. » La dame ne pouvait croire que son mari lui fût infidèle. Sepe lui raconta comment il s’y était pris pour s’en assurer. Ces particularités achevèrent de la persuader. « Puisque vous avez résolu, lui dit-elle alors, de vous venger sur moi de l’outrage de mon mari, je veux bien y consentir, mais à condition que vous ferez ma paix avec votre femme ; de mon côté, je lui pardonne volontiers le tort qu’elle m’a fait. — Soyez tranquille, repartit Sepe ; je me charge de tout, et m’engage outre cela