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infortunée n’attendait plus que la mort, et s’y préparait en offrant à Dieu ses douleurs pour l’expiation de ses péchés.

Cependant Régnier s’étant éveillé vers les trois heures de l’après-midi, retourna à la tour pour voir ce que sa victime était devenue et dit à son valet, qui était encore à jeun, d’aller dîner. La pauvre dame, entendant la voix de son cruel persécuteur, se traîne avec peine sur les bords de la terrasse, et couchée sur le ventre : « Régnier, lui dit-elle les yeux mouillés de larmes, vous voilà vengé de reste ; si je vous ai fait geler pendant une nuit, vous m’avez fait rôtir durant un jour entier et mourir de faim et de soif. Dans l’état où je suis, la mort me serait plus douce que la vie, et je souffre si cruellement, que je vous prie de venir m’achever ; je regarderai ce dernier trait comme une faveur. Si vous me refusez ce service que je n’ai pas le courage de me rendre moi-même, ne me refusez pas du moins un verre d’eau, pour en humecter ma bouche sèche et brûlante. Accordez-moi cette dernière grâce, car je me sens mourir. »

Le philosophe connut, à la faiblesse de sa voix, qu’elle était effectivement