cent, si vous l’exigez. Vous êtes un homme et je ne suis qu’une femme, c’est-à-dire un être faible qu’il est facile de terrasser. Contentez-vous de m’avoir fait connaître qu’il ne dépend que de vous de porter la vengeance aussi loin que vous voudrez. Que vous reviendrait-il de m’exposer à la médisance publique ? Ne vous servez pas de l’avantage que vous avez sur moi : l’aigle n’a point de gloire d’avoir défait la colombe ; et vous êtes trop galant homme pour employer vos forces contre une femme, coupable à la vérité, mais dont vous êtes déjà vengé. Ayez donc compassion de mon état, je vous en conjure pour l’amour de Dieu, et pour l’amour de vous-même. »
Régnier, entendant ce discours, éprouvait à la fois du plaisir et de la douleur : du plaisir de se voir vengé du mal que cette femme lui avait fait ; de la douleur, ne pouvant la voir gémir et pleurer sans être touché de compassion. Cependant, le désir de se venger l’emportant sur l’humanité : « Madame, lui répondit-il, si, la nuit que vous pensâtes me faire mourir de froid, mes prières qui, à la vérité, ne furent pas, comme les vôtres, accompagnées de larmes ni assaisonnées de tendres compliments, avaient pu me faire obtenir de vous seulement un abri pour me mettre à couvert de la neige qui m’accablait, je ferait à présent de bon cœur ce que vous me demandez ; mais puisque, lorsque je grelottais, vous ne vous inquiétiez nullement de votre honneur, et que vous vous en moquiez au contraire dans les bras de votre amant, je ne dois pas non plus m’inquiéter du mien en cherchant à me venger de votre noire méchanceté. Souvenez-vous de tout ce que vous m’avez fait souffrir, pour en faire sans doute hommage à votre galant. Adressez-vous à lui : il aura soin de votre honneur, dont vous êtes si fort en peine, et que vous n’avez pas laissé de lui abandonner. Qui mieux que lui doit vous secourir ? vous vous êtes donnée à lui et lui à vous : appelez-le, il ne manquera pas de voler à votre secours. Voyez si l’amour que vous avez pour ce quidam, voyez si votre esprit, joint au sien, que je suppose aussi fertile en ressources que le vôtre, pourra vous tirer d’un piége dans lequel vous a fait donner le sot que vous insultiez si fièrement, la seconde nuit des fêtes de Noël. Vous souvient-il des plaisanteries que vous vous êtes permises avec lui à mon sujet ? Quant aux faveurs, ajouta-t-il, que tu m’offres si généreusement dans une circonstance où tu ne pourrais me les refuser si j’en avais envie, tu peux les garder pour ton amant, dans le cas que tu survives au traitement que je te destine. Je les lui cède de bon cœur, ces nuits agréables dont tu te proposes de me régaler ; et certes j’en eus trop d’une seule : on ne me trompe pas deux fois. N’espère donc pas me séduire par tes flatteries et ton langage mielleux ; ce n’est pas à l’égard d’une aussi méchante femme qu’il est beau d’être généreux et magnanime ; ce serait, au contraire, travailler au bien public que de délivrer la société d’un aussi mauvais sujet. Tu as beau dire, je ne suis point un aigle ; mais conviens aussi que tu n’es rien moins qu’une colombe ; tu