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En un mot, personne ne m’a vu et personne non plus ne m’a rien dit tout le long du chemin. Mais quand je suis arrivé ici, cette misérable femme est venue au-devant de moi ; elle m’a vu et a renversé toutes mes espérances. Maudite engeance que les femmes ! elles font perdre, vous ne l’ignorez pas, la vertu à toutes choses. Je me regardais comme le plus heureux des hommes, et me voilà le plus malheureux. Je m’en suis vengé en la rouant de coups, et je ne sais ce qui m’empêche de lui en donner encore autant. Plût à Dieu ne l’eussé-je jamais vue ! » Et là-dessus, s’échauffant tout de nouveau, il voulait la battre encore ; mais ses amis l’en empêchèrent. Ils faisaient les surpris, et affirmaient la vérité des circonstances que Calandrin leur rapportait. Ils avaient toutes les peines du monde de s’empêcher de rire, et auraient sans doute satisfait leur envie à cet égard, si la fureur de ce brutal, qui en voulait toujours à sa femme, ne les eût arrêtés. Ils lui représentèrent son tort de l’avoir ainsi maltraitée, s’efforçant de lui faire entendre qu’elle n’était aucunement la cause de son malheur, qu’il ne devait s’en prendre qu’à lui-même, puisqu’il s’était exposé à sa rencontre, sachant que les femmes, dans leur temps critique, détruisent la vertu de toutes choses. Mais que, puisque le bon Dieu ne lui avait point donné cette idée, il avait voulu sans doute le punir de les avoir trompés en ne leur faisant point part de sa découverte. Enfin, après plusieurs remontrances de cette nature, ils finirent par le raccommoder avec sa femme et le laissèrent fort chagrin dans sa maison pleine de pierres.