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son mortier de marbre, prétextant d’avoir du monde à dîner ; ce qu’elle fit de grand cœur. Deux jours après, il le renvoya par son clerc, à l’heure qu’il jugea que Bientevienne et sa femme devaient être à table. « Monsieur le curé m’a chargé de vous bien remercier, dit le clerc en s’adressant à la femme, et de vous demander le manteau que le garçon laissa pour gage en vous empruntant le mortier. » Belle-Couleur, fronçant le sourcil à cette demande, allait répondre, lorsque son mari l’en empêcha en lui disant d’un air fâché : « D’où vient que tu prends des gages de notre curé ? tu mériterais en vérité que je te donnasse un bon soufflet, pour t’apprendre à te défier ainsi de notre honnête pasteur. Rends-lui vite son manteau et garde-toi de lui jamais rien refuser sans gage, » demandât-il même notre âne. La femme se lève en grognant entre ses dents, sort le manteau du coffre et dit au clerc en le lui remettant : « Je te prie d’assurer de ma part monsieur le curé que, puisqu’il agit de la sorte, il ne pilera de sa vie à mon mortier. » Le clerc s’étant acquitté de la commission : « D’accord, répondit le curé ; mais tu peux dire aussi à Belle-Couleur, quand tu la verras, que si elle ne me prête point son mortier, je ne lui prêterai pas non plus mon pilon : l’un vaut bien l’autre assurément. »

Bientevienne ne fit point attention aux paroles de sa femme, qu’il prit pour l’effet des reproches qu’il venait de lui faire. Pour Belle-Couleur, elle fut longtemps