Page:Boccace - Contes de Boccace, trad De Castres, 1869.djvu/445

Cette page n’a pas encore été corrigée

sans beaucoup de peine. Ces gens-là sont des bourreaux qui vous feraient trop souffrir, et je ne pourrais vous voir entre leurs mains sans souffrir moi-même. Laissez-moi essayer ; si vous trouvez que je vous fasse trop de mal, je quitterai la besogne ; complaisance que n’aurait point un arracheur de dents. Il ne s’agit que de se procurer de petites pinces. » Elle en demanda. Quand on les lui eut apportées, elle fit sortir tout le monde de l’appartement, excepté Lusque, à qui elle commanda de fermer la porte de la chambre. Pour faire l’opération d’une manière plus commode, elle fit coucher son mari sur un banc, et dit à sa femme de chambre de le tenir au travers du corps, pour qu’il ne pût remuer. Puis lui ayant fait ouvrir la bouche, elle accroche le davier à une de ses plus belles dents, et la lui arrache avec des efforts violents, qui lui faisaient pousser des cris de douleur. Le pauvre homme, étourdi du mal qu’il avait souffert, porta d’abord la main sur sa joue, et donna le temps à sa femme de cacher la dent qu’elle venait de lui arracher, et d’en présenter une autre toute pourrie, dont elle avait eu la précaution de se munir. « Voyez, lui dit-elle, ce que vous avez si longtemps gardé dans votre bouche. Il est sûr que cette dent vous eût gâté toutes les autres, si vous ne l’aviez fait arracher. » La vue d’une dent si vilaine consola le patient de la douleur qu’il avait soufferte et qu’il ressentait encore. Après avoir craché beaucoup de sang et avoir pris quelque élixir