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honorablement reçu de la marquise. Il fut enchanté de l’accueil qu’elle lui fit ; et voyant que sa beauté surpassait encore ce que la renommée lui en avait appris, son amour augmenta à proportion des charmes qu’il lui trouvait. Il la loua beaucoup, et ses compliments n’étaient qu’une faible expression des feux qu’il éprouvait. Pour se délasser, il se retira ensuite dans l’appartement qu’on lui avait préparé ; et l’heure du dîner étant venue, Sa Majesté et la marquise se mirent seuls à une même table.

La bonne chère, les vins choisis et excellents, le plaisir d’être auprès d’une belle femme qu’il ne se lassait point de regarder, transportaient le roi. S’étant toutefois aperçu, à chaque service, qu’on ne lui servait que des poules, préparées, à la vérité, de diverses manières, il parut un peu surpris de cette affectation. Il avait remarqué que le pays produisait d’autres espèces de volailles et même du gibier, et il ne pouvait douter qu’il n’eût dépendu de la dame de lui en faire servir. L’esprit de galanterie, qui le conduisait, l’empêcha cependant de témoigner aucun mécontentement. Il se félicita même de trouver, dans cette multiplicité de mets composés d’une seule et même viande, l’occasion de lâcher quelques gentillesses à la marquise. « Madame, lui dit-il avec un air riant, est-ce que dans ce pays seulement les poules naissent sans coq ? » faisant sans doute allusion à ce que, dans cette quantité de poules, il n’avait trouvé ni poulet, ni chapon. Madame de Montferrat comprit très-bien le sens de cette demande : et voyant que c’était là le moment de lui faire connaître ses dispositions, elle lui répondit avec courage sur-le-champ : « Non, sire ; mais les femmes y sont faites comme partout