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bourreau partit incontinent avec le courrier qu’on lui avait dépêché, et rendit compte à son maître de ce qui s’était passé.

Émeri, au comble de sa joie, va trouver l’ambassadeur Phinée, s’excuse du mieux qu’il peut de la dureté qu’il avait exercée contre son ancien esclave, lui en demande mille pardons, et l’assure que si Théodore veut épouser sa fille, il sera enchanté de la lui donner. Phinée accueillit avec amitié ses excuses, et lui dit qu’il voulait si bien que son fils épousât sa fille, qu’en cas de refus de sa part il consentait que l’arrêt eût son entière exécution. Les deux pères, ainsi d’accord, allèrent trouver Théodore, qui n’était pas encore revenu des frayeurs de la mort. À peine lui eurent-ils annoncé qu’il ne tenait qu’à lui d’avoir Violante pour femme, qu’il oublia tous ses maux pour faire éclater sa joie. Il répondit qu’il ne demandait pas mieux, et qu’il allait être, par cette faveur, le plus heureux des hommes. On envoya pareillement savoir de Violante si elle voulait Théodore pour époux. La belle, qu’on avait instruite de tout ce qui était arrivé, passa de la douleur à la plus vive satisfaction, et répondit qu’on ne pouvait pas lui faire un plus grand plaisir que de l’unir à Théodore. Tout étant ainsi disposé, le mariage fut arrêté le même jour, et consacré par une fête des plus brillantes, au grand contentement de tous les citoyens. La célébration des noces fut remise au retour de Phinée, qui ne pouvait différer plus longtemps son voyage pour Rome. Violante, qui avait donné une nourrice à son enfant, ne tarda pas à se rétablir, et redevint plus belle que jamais. Elle fut à peine relevée de ses couches, que Phinée fut de retour de Rome. Elle s’empressa de lui rendre les devoirs qu’on doit à un beau-père. L’ambassadeur, charmé d’avoir une bru si belle et si honnête, la traita comme sa propre fille, et fit célébrer ses noces avec une magnificence dont on n’avait pas vu d’exemple depuis longtemps. Quelques jours après, il remonta sur sa galère, emmenant avec lui son fils, sa belle-fille et leur enfant. Ils arrivèrent, sans aucun accident, à Lajazze, où les deux époux coulèrent une vie tranquille et délicieuse dans le sein de l’amour.