Page:Boccace - Contes de Boccace, trad De Castres, 1869.djvu/352

Cette page n’a pas encore été corrigée

expliquer librement. La fortune eut enfin pitié de leur cruelle situation ; elle leur fournit une occasion favorable pour bannir la crainte et les porter à se déclarer sans gêne l’amour dont ils brûlaient l’un pour l’autre.

Messire Émeri avait, à une demi-lieue de Trapani, une fort belle maison de campagne, où sa femme, sa fille et d’autres dames allaient souvent faire des parties de plaisir. Cette dame y mena un jour Pierre avec la compagnie ordinaire. On était sur le point de retourner à la ville lorsque le ciel se couvrit tout à coup de nuages, comme il arrive assez souvent en été : tout annonçait un grand orage. Madame Émeri et ses compagnes, craignant que le mauvais temps ne les retînt là plus qu’elles ne voudraient, prirent le parti de se mettre vite en chemin pour se rendre à Trapani. On marchait à grands pas ; mais le jeune homme et la demoiselle allaient beaucoup plus vite, plus animés par l’amour qui les avait réunis que par la crainte de l’orage. Ils devancèrent la compagnie de si loin, qu’on les avait déjà perdus de vue, lorsque après plusieurs grands coups de tonnerre il survint une grosse grêle qui obligea la mère et les autres dames de se retirer dans la chaumière d’un laboureur. Pierre et Violante, au défaut de tout autre asile, se réfugièrent dans une vieille masure délabrée, entièrement délaissée, où il ne restait qu’un morceau de toit, sous lequel ils se mirent à couvert, serrés l’un contre l’autre, à cause du peu d’espace respecté par la grêle. Ce voisinage, dont ils se félicitaient intérieurement l’un et l’autre, rassura leurs cœurs amoureux, et leur donna occasion de s’expliquer clairement.