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à la tirer de cette espèce de prison, où elle s’ennuyait à mourir. À peine fut-il dans la chambre, qu’elle lui fit connaître ingénument ses intentions. L’amant, au comble de la joie, lui promit de l’arracher de ces lieux, et de prendre si bien ses arrangements, quand il l’aurait quittée, qu’il l’emmènerait sans faute avec lui à sa seconde visite. Pendant qu’ils s’entretenaient ainsi, Jean de Procida, qui brûlait de goûter les plaisirs de l’amour, quitta ses habits, et se coucha auprès de sa maîtresse. Je vous laisse à penser les caresses qu’ils se prodiguèrent mutuellement. Les plaisirs dont ils s’enivrèrent furent si vifs, qu’ils leur firent oublier tous leurs chagrins et le lieu où ils étaient, si bien que le sommeil les surprit se tenant encore l’un et l’autre étroitement embrassés.

Ils dormaient encore quand le roi, qui avait été charmé de la beauté de Restitue, se trouvant assez bien rétabli, et se sentant certain appétit, partit à la pointe du jour, avec peu de suite, pour aller la voir. Il ouvre tout doucement la porte de sa chambre, et s’approche de son lit, un flambeau à la main, pour se donner le plaisir de la voir dormir. Dieu sait s’il fut surpris de la trouver entre les bras d’un homme ! Il entra dans une si forte colère, qu’il en perdit la voix, et qu’il fut tenté de les poignarder tous deux ; mais considérant qu’il était indigne, non-seulement d’un roi, mais même d’un particulier qui se pique d’honnêteté, de tuer deux personnes hors d’état de se défendre, il modéra la vivacité de son ressentiment, et résolut de les punir l’un et l’autre du supplice du