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Paris. Dès que Jeannot est informé de son retour, il va le voir ; et, après les premiers compliments, il lui demanda, presque en tremblant, ce qu’il pensait du saint-père, des cardinaux et généralement de tous les autres ecclésiastiques qui composaient la cour de Rome. « Que Dieu les traite comme ils le méritent, répondit le juif avec vivacité ; car tu sauras, mon cher Jeannot, que si, comme je puis m’en flatter, j’ai bien jugé de ce que j’ai vu et entendu, il n’y a pas un seul prêtre à Rome qui ait de la piété ni une bonne conduite, même à l’extérieur. Il m’a semblé, au contraire, que le luxe, l’avarice, l’intempérance, et d’autres vices plus criants encore, s’il est possible d’en imaginer, sont en si grand honneur auprès du clergé, que la cour de Rome est bien plutôt, selon moi, le foyer de l’enfer que le centre de la religion. On dirait que le souverain pontife et les autres prêtres, à son exemple, ne cherchent qu’à la détruire, au lieu d’en être les soutiens et les défenseurs ; mais, comme je vois qu’en dépit de leurs coupables efforts pour la décrier et l’éteindre, elle ne fait que s’étendre de plus en plus, et devenir tous les jours plus florissante, j’en conclus qu’elle est la plus vraie, la plus divine de toutes, et que l’Esprit-Saint la protége visiblement. Ainsi, je t’avoue franchement, mon cher Jeannot, que ce qui me faisait résister à tes exhortations est précisément ce qui me détermine aujourd’hui à me faire chrétien. Allons donc de ce pas à l’église afin que j’y reçoive le baptême, selon les rites prescrits par ta sainte religion. »