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circonstance, elle fut d’autant plus touchée de son malheur, que Pierre Boccamasse était des amis de son mari. Quand elle entendit parler du lieu où il avait été pris, elle ne douta point qu’il n’eût été tué, et elle dit à Angeline : « Vous demeurerez ici avec moi jusqu’à ce qu’il se présente une occasion de vous renvoyer à Rome sans aucun risque. »

Il est temps de revenir à notre amant, que nous avons laissé perché sur un arbre. Il n’y avait pas encore passé une heure, qu’il vit venir au clair de la lune une vingtaine de loups qui, apercevant son cheval, firent un cercle autour de lui. Le cheval, connaissant le danger qui le menaçait, lance des ruades à force, et se démène tant, qu’il rompt la corde et prend la fuite ; mais les loups affamés, courent après lui, l’environnent et l’empêchent d’aller plus loin. Le pauvre animal se défendit longtemps de la dent et du pied ; mais à la fin il fut renversé, mis en pièces et dévoré. Le malheureux Pierre, témoin de ce terrible repas, tremblait de devenir, à son tour, la pâture de ces bêtes affamées. Il désespérait de pouvoir jamais sortir de ce bois. Les étoiles commençaient à pâlir, et à faire place au jour, lorsque, transi de froid et de peur, il regarda de tous côtés, et vit un grand feu à une bonne demi-lieue de là : il attendit qu’il fût un peu plus jour, descendit ensuite de l’arbre, et prit son chemin vers l’endroit où était ce feu, non sans crainte d’être rencontré par quelque loup. Il arriva heureusement dans ce lieu, où il trouva des bergers qui mangeaient et se divertissaient. Ils eurent pitié de lui, et le firent chauffer, boire et manger avec eux.