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que l’on pensait de cette mort inopinée. « J’irai aussi de mon côté, ajouta-t-il, et je me glisserai parmi les hommes pour entendre ce qu’on dira. »

La cruelle amante de Jérôme, sensible, mais trop tard, à l’amour extrême que ce jeune homme avait eu pour elle, fut charmée de la proposition de son mari, qui la mettait à portée de rendre les derniers devoirs à celui dont elle avait sujet, en quelque sorte, de se reprocher la mort. Elle se couvrit donc d’une cape, et arriva à l’église, le cœur plein de tristesse. Qu’il est difficile de connaître les puissants effets de l’amour ! Le cœur de cette femme, que la brillante fortune de Jérôme n’avait pu toucher, fut vivement ému et attendri à la vue du convoi ; la passion qu’elle avait eue autrefois pour ce fidèle amant reprit tout à coup son premier empire. Son cœur s’ouvre au repentir et à la plus vive compassion, et, s’abandonnant entièrement à la douleur, elle suit le deuil dans l’église, perce la foule, pénètre jusqu’à l’endroit où repose le corps de Jérôme, se jette sur lui en sanglotant et en poussant un cri qui alla jusqu’au cœur des assistants. À peine eut-elle vu le visage de celui que le chagrin de n’avoir pu l’attendrir avait étouffé, qu’elle fut étouffée elle-même par la force du sentiment douloureux de l’avoir perdu. Les autres femmes, sans savoir qui elle était, à cause du voile qui la couvrait, et qui la prenaient peut-être pour la mère du défunt, se mettent aussitôt en devoir de la consoler et de la faire retirer ; voyant qu’elle ne bougeait pas de place, elles la saisissent par les bras et la trouvent morte. Leur étonnement redoubla lorsque, après lui avoir ôté le voile, elles la reconnurent pour la fille de Silvestre, que Jérôme avait tendrement aimée. Alors les pleurs de la mère de recommencer, et les gémissements des autres femmes de