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et de divine. Frère Albert comprit sans peine que sa pénitente avait le cerveau un peu creux, quoique effectivement elle fût assez jolie ; et voyant que c’était là précisément ce qu’il lui fallait, il la convoita aussitôt et en devint passionnément amoureux. Il remit cependant à un temps plus favorable le soin de l’apprivoiser ; et, pour continuer son personnage d’homme pieux, il lui fit une petite morale, et lui remontra que ce qu’elle disait d’avantageux pour elle était un effet de vaine gloire et d’amour-propre dont elle devait se corriger. La pénitente, qui n’entendait pas raillerie et qui ne sentait sans doute pas la force des termes, lui répondit tout uniment qu’il était un sot, puisqu’il ne savait pas distinguer une beauté d’une autre. Frère Albert, qui ne voulait pas l’aigrir davantage, lui donna l’absolution et la renvoya sans rien répliquer.

Quelques jours après, accompagné d’un moine qui lui était dévoué, il alla la voir dans sa maison ; et l’ayant prise en particulier, il se jeta à ses pieds. « Madame, lui dit-il, je vous prie de me pardonner ce que je vous dis dimanche dernier en vous confessant : j’en fus si sévèrement châtié la nuit suivante, que j’ai passé depuis presque tout le temps au lit. — Et qui vous a châtié de la sorte ? dit la jeune et folle Lisette. — Vous allez en être instruite. Le soir qui suivit votre confession, étant à mon ordinaire en oraison dans ma cellule, j’aperçus tout à coup une grande lumière. À peine ai-je tourné la tête pour voir ce que c’est, qu’un beau jeune homme saute sur moi et m’assomme de coups de bâton. Après m’avoir ainsi maltraité, je lui demandai qui il était, et pourquoi il m’avait