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— La grâce que je vous demande, madame, c’est de vouloir bien faire dire à mon mari, par une personne dont vous soyez sûre, que mademoiselle votre fille n’est pas insensible à son amour, qu’elle ne serait pas même éloignée d’y répondre, si elle pouvait s’assurer qu’il fût sincère, et qu’elle n’en doutera plus, s’il veut lui envoyer l’anneau qu’il porte à son doigt, parce qu’elle a ouï dire que cet anneau lui était fort cher. S’il vous l’envoie, vous me le remettrez, et vous lui ferez dire ensuite que, pour reconnaître ce sacrifice, votre fille est disposée à couronner ses désirs, ne pouvant plus douter de la sincérité de son amour. On lui assignera un rendez-vous nocturne ; je me mettrai à la place de mademoiselle votre fille, et Dieu me fera peut-être la grâce de devenir grosse. Si j’obtiens ce bonheur, comme je l’espère, et que j’accouche heureusement, alors je serai en état de lui faire tenir la parole qu’il a donnée, et je vous devrai la satisfaction de vivre avec lui. »

La Florentine, qui craignait d’exposer sa fille à la médisance, fit d’abord beaucoup de difficultés ; mais la comtesse sut les lever, en lui représentant qu’elle se ferait connaître pour rendre témoignage de la vertu de sa fille, dans le cas que le comte fût assez malhonnête pour se permettre la moindre indiscrétion. En un mot, elle fit si bien, que la dame, qui ne pouvait d’ailleurs se dissimuler que sa complaisance avait une fin louable, lui promit de seconder incessamment ses vues. Elle lui tint parole. Peu de jours après, sans que sa fille même en sût rien, l’anneau arriva, non sans qu’il en eût coûté beaucoup