dans sa crédulité. Il finit par la prier de garder un secret inviolable jusqu’au moment où elle serait pleinement convaincue de la perfidie de son mari ; et la bonne dame le lui promit sur sa foi.
Le lendemain, de grand matin, Richard alla chez le baigneur. Il parla à une vieille femme qui avait soin des bains et qu’il connaissait un peu. Il la pria instamment de vouloir bien le servir dans son projet, en lui promettant une bonne récompense. La bonne vieille, qui ne demandait pas mieux que de gagner de l’argent, lui promit de faire tout ce qui dépendrait d’elle pour l’obliger. Richard lui dit ce dont il s’agissait. « J’ai votre affaire, lui répondit-elle. Il y a dans la maison une petite chambre qui n’a point de fenêtres ; je vais y placer un lit ; et pour que le jour ne puisse y pénétrer quand on ouvrira la porte, je fermerai les croisées de la pièce qu’il faut traverser pour y arriver. — Fort bien, » reprit l’amoureux tout transporté de joie. Puis, il lui fit la leçon sur la manière dont elle devait introduire la dame dans cet endroit. Après que tout fut ainsi disposé, il alla dîner, et revint chez la bonne vieille sur les onze heures pour y attendre la femme de Philippe Figinolpho.
Madame Catella, ne doutant aucunement de la vérité de tout ce que lui avait dit Richard, rentra le soir dans sa maison de très-mauvaise humeur. Son mari, qui dans ce moment rêvait sans doute à ses affaires, la reçut fort froidement et ne lui fit point les caresses qu’il était dans l’usage de lui faire toutes les fois qu’elle rentrait au logis après une absence de quelques heures. Cette froideur la confirma dans ce qu’on lui avait dit sur son compte. « Je ne le vois que trop, disait-elle en elle-même, mon mari ne pense qu’au rendez-vous de demain ; il est tout occupé de la femme dont il espère jouir ; mais il n’en sera rien. » Au lit, même distraction, même froideur de la part du mari, et par conséquent mêmes réflexions, même dépit de la part de la femme. La jalousie qui la dévorait écarta le sommeil de ses yeux. Elle ne fut occupée qu’à penser à ce qu’elle lui dirait quand elle serait au rendez-vous. Enfin, le lendemain, son mari la quitte sur les onze heures, sous prétexte d’aller dîner chez une personne qui avait quelque affaire à lui communiquer ; ce qui se trouvait vrai, parce que Richard avait eu l’habileté d’engager un de ses bons amis à attirer Figinolpho chez lui vers cette heure-là. « L’imposteur ! le perfide ! disait sa femme en elle-même : fiez-vous après cela aux hommes ! Mais le traître ne s’attend pas à la surprise que je lui prépare. Que je vais lui en dire ! » Enfin, l’heure de midi s’approchant, elle sort accompagnée de sa servante, et arrive bientôt à la maison du baigneur, que Minutolo lui avait indiquée. Elle trouve la bonne vieille sur la porte, et lui demande si Philippe Figinolpho est venu. « Êtes-vous la personne qui doit lui parler à midi ? répond la vieille, très-bien endoctrinée par l’amoureux Richard. — Oui, répliqua la dame. — Entrez donc là, et suivez-moi. » Madame Catella la suit, en baissant un voile qu’elle avait sur la tête, afin de n’être point