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encore, en disant qu’elle l’avait sans doute pris pour un autre. « Tout ce que vous pouvez alléguer est inutile, vous dis-je ; elle vous a trop bien dépeint pour que ce ne soit pas de vous qu’elle ait parlé. »

Le jeune gentilhomme, plus déniaisé que le bon père, comprit qu’il y avait du mystère dans ces reproches qu’il ne méritait pas. Il fit alors semblant d’avoir une espèce de honte, et promit de ne donner, à l’avenir, aucun sujet de plainte. À peine eut-il quitté le religieux, qu’il alla passer devant la maison de la femme du fabricant ; elle était à la fenêtre pour voir s’il passerait. Aussitôt qu’elle le vit venir, elle ne douta point qu’il n’eût compris le sens de ce qu’elle avait dit au moine, et la joie la plus vive éclata sur son visage. Le gentilhomme, qui fixa, en passant, ses regards sur elle, voyant que l’amour et le plaisir étaient peints dans les siens, demeura convaincu de la vérité de sa conjecture. Depuis ce jour, il passait et repassait dans cette rue, à la grande satisfaction de la dame, qui, par ses regards et par ses gestes, le confirma de plus en plus dans sa première opinion.

La belle, non moins pénétrante, ne tarda pas à s’apercevoir qu’elle lui avait donné de l’amour ; mais, pour l’enflammer davantage et le mieux assurer de la tendresse qu’elle avait pour lui, elle retourne à confesse au même religieux, et commence sa confession par les larmes. Le bon père, attendri, lui demande s’il lui est survenu quelque nouveau chagrin. « Hélas ! mon révérend, j’ai de nouvelles plaintes à faire de votre ami, de cet homme maudit de Dieu, dont je vous