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pas aisée. Déclarer son amour à la reine, c’eût été une extravagance qui n’aurait abouti qu’à le perdre, sans aucune espèce de consolation. Lui écrire n’aurait pas été plus sage. L’amour est inventif : il lui suggéra un stratagème pour coucher avec elle, au risque d’être surpris et de perdre une vie dont il avait fait d’avance le sacrifice. Sachant que le roi ne couchait pas toutes les nuits avec la reine, il forma le projet hardi d’aller une fois prendre sa place. Afin de mieux réussir, il voulut voir, avant tout, par lui-même dans quel accoutrement et de quelle manière il allait la trouver. Pour cet effet, il se cacha plusieurs fois, la nuit, dans une grande salle du palais qui séparait l’appartement du roi de celui de la reine. Il vit ce prince sortir de son appartement, affublé d’un grand manteau, tenant une bougie d’une main et de l’autre une baguette, aller droit à la chambre à coucher de sa femme ; il le vit ensuite frapper, sans mot dire, un ou deux coups à la porte avec la petite baguette ; après quoi, la porte s’ouvrait aussitôt. Il remarqua qu’une des femmes de la reine lui avait ouvert et pris la bougie de la main. Il attendit qu’il fût sorti pour savoir l’heure à laquelle il retournait dans son appartement.

Quand il s’est bien mis au fait du rôle nocturne du monarque, il ne songe plus qu’à le jouer à son tour. Il trouve moyen de se procurer un manteau à peu près semblable à celui du roi ; il se munit d’une bougie et d’une petite