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Elle les fit appeler. Toutes lui avouèrent de bonne foi ce qu’elles ne pouvaient plus lui cacher.

L’abbesse fut la première à rire de l’aventure. Elles délibérèrent unanimement qu’on ferait accroire aux voisins et aux autres personnes qui fréquentaient leur église que, par le secours de leurs prières et les mérites du saint sous les auspices duquel était fondé leur monastère, Mazet avait recouvré la parole. L’homme d’affaires était mort depuis quelques jours. Elles donnèrent sa place à Mazet, et prirent des arrangements pour coucher avec lui chacune à son tour, avec promesse toutefois de le ménager, dans la vue de le conserver plus longtemps.

Mazet s’acquitta au mieux de sa tâche. Il en naquit plusieurs moinillons ; mais la chose fut tenue si secrète, qu’on ne le sut dans le monde que longtemps après la mort de l’abbesse, et après que Mazet, déjà vieux, eut pris le parti de s’en retourner chez lui chargé de biens. Cette histoire fit alors beaucoup de bruit. On ne parlait que du jardinier parvenu, qui, après avoir passé sa jeunesse de la manière la plus agréable, sortit très-riche d’une maison où il était entré presque tout nu. C’est ainsi que le ciel récompense ceux qui bêchent et arrosent infatigablement le jardin altéré des pauvres nonnains.