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caché. » Après cette réponse, sa compagne, qui malgré ses craintes brûlait déjà d’envie d’éprouver quel animal c’était que l’homme, se contenta de lui demander comment elles s’y prendraient pour n’être pas aperçues. « Que cela ne t’inquiète pas, répondit la première : comme c’est l’heure de midi, je suis presque certaine que toutes nos sœurs reposent actuellement ; mais, pour mieux nous en assurer, parcourons le jardin pour voir s’il n’y a personne ; rien ne nous empêchera ensuite de prendre cet homme par la main, et de le conduire dans ce cabinet qui lui sert à se mettre à couvert de la pluie. Tandis que l’une sera dedans avec lui, l’autre fera sentinelle sur la porte. Il est si sot, qu’il se tiendra volontiers dans la posture que nous voudrons. Je me charge de le mettre au fait s’il n’y est déjà. »

Mazet entendait cette édifiante conversation, et sentait l’eau lui venir déjà à la bouche. Il les aurait volontiers prévenues ; mais, pour ne pas manquer sa proie, il crut devoir les laisser faire et attendre qu’elles le prissent par la main.

Les deux religieuses, s’étant assurées qu’il n’y avait personne qu’elles dans le jardin et qu’on ne pouvait les voir, allèrent rejoindre le jardinier. Celle qui avait commencé le propos s’approche de lui et l’éveille. Mazet se lève. La nonnette le prend par la main, et, tout en le caressant, le mène droit à la petite cabane, où il la suit en riant et faisant le niais. Là, le drôle, sans se faire prier, satisfit les désirs de la pucelle avec assez d’adresse pour prévenir son embarras, sans pourtant se déceler. Celle-ci, satisfaite, fit place à sa compagne. Mazet joua également bien son rôle avec le nouveau personnage : et comme on n’est ni honteux ni timide avec ceux qu’on croit imbéciles, elles voulurent l’une et l’autre, avant de quitter le muet, éprouver par plusieurs reprises s’il était bon cavalier, et elles en demeurèrent toutes deux convaincues. Depuis cet heureux moment, leur conversation ne roulait que sur le plaisir qu’on goûte entre les bras d’un homme, et elles s’accordaient à soutenir que ce plaisir était cent fois au-dessus de l’idée qu’elles s’en étaient faite. Je vous laisse à penser, d’après cela, si elles retournèrent souvent dans le petit cabinet, et si elles surent prendre le temps et l’heure convenables pour aller s’amuser avec le bon muet.

Cependant il arriva qu’un jour une de leurs compagnes les aperçut de sa fenêtre folâtrer avec lui et le suivre dans la petite cabane. Elle le fit même remarquer à deux autres religieuses qui étaient dans sa chambre. Ce trio jaloux résolut d’abord d’avertir l’abbesse, mais ensuite elles changèrent d’avis. Elles en parlèrent aux deux coupables, et s’étant accordées ensemble, elles partagèrent le péché et jouirent, comme les deux autres, des faveurs de Mazet.

Il ne restait plus que trois religieuses qui n’eussent point de part au gâteau ;