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La vertueuse Genèvre lui représente ses torts avec douceur, lui dit qu’elle les oublie, puis elle le relève et l’embrasse tendrement comme son époux.

Ambroise de Plaisance subit la juste punition de son crime. Le soudan ordonna qu’il fût attaché tout nu à un pal, dans un lieu élevé de la ville, après qu’on aurait frotté son corps de miel, depuis les pieds jusqu’à la tête, avec défense de l’en détacher qu’il ne fût entièrement pourri ou dévoré par les insectes. Il voulut que tout son bien, qui valait près de vingt mille ducats, fût confisqué au profit de la dame dont il avait causé le malheur. Il fit ensuite préparer un beau festin, où il invita Bernard comme mari de madame Genèvre, et madame Genèvre comme une des femmes les plus estimables qu’il eût jamais connues. Il la combla d’éloges ; et ce qu’il lui donna en bijoux, vaisselle et autres présents fut estimé plus de dix mille doubles ducats. Il leur permit ensuite de retourner à Gênes. Il fit équiper, dans cette intention, un très-beau vaisseau, qui les y mena dans très-peu de temps. Ils y arrivèrent chargés de richesses, et furent reçus de leurs compatriotes avec des transports de joie. Madame Genèvre surtout, qu’on avait cru morte, fut généralement fêtée de toute la ville, et regardée comme une femme d’une vertu exemplaire.

Au reste, le même jour qu’Ambroise fut supplicié, son corps fut dévoré jusqu’aux os par les guêpes et les taons, dont ce pays abonde. Son squelette, qui demeura longtemps attaché au pal, instruisit les passants de son crime et de sa méchanceté. Son aventure nous prouve que les fourbes et les méchants sont tôt ou tard confondus et punis en présence de la victime de leur imposture.